Premières apparitions à l’École libre de Tilly


A partir du mois de mars 1896 et jusqu’au 26 juillet 1896, des apparitions de la Vierge eurent lieu à Tilly-sur-Seulles, petit village du Calvados, situé entre Bayeux et Caen, à tel point que les journaux locaux s’en saisissent assez vite.

En raison de l’importance croissante des faits qui se passent à Tilly et du bruit qui se fait autour d’eux, notre directeur s’est rendu lui-même sur les lieux, où il a passé la plus grande partie de la journée à interroger les témoins…

la Croix du Calvados – 19 Avril 1896

Voici que dans les environs de Bayeux, à Tilly, une fillette de l’école congréganiste déclare être depuis une quinzaine en communication avec la Vierge…

Journal de Bayeux : 7 avril 1896

La foule des croyants, affirme encore le Journal de Caen, et des curieux continue à affluer à Tilly pour «voir» la Vierge qui apparaît…

Journal de Caen : 17 avril 1896

M. l’Abbé Guéroult, Curé de Saint-Pierre de Tilly (l’église paroissiale de Tilly-sur-Seulles aux moments des Apparitions), nous relate les faits qu’il a pu constaté lui-même (Notes 1896-1900) :

A quatre heures et demie, les enfants achèvent leurs devoirs, rangent tout ce qui peut leur appartenir et font en commun la prière du soir.

A certains jours, on y ajoute le chapelet. Ce 18 mars, à cette heure-là, Madame la Directrice de la grande classe fit commencer la prière en disant:

— Que celles des enfants qui désirent aller à confesse préparent d’abord leur examen de conscience.

Elles feront leur prière à l’église après leur confession !…

Celles-ci, en se levant pour obéir à l’ordre qui venait de leur être donné, aperçurent à travers les fenêtres de la classe une grande clarté venant du sud-est et, au milieu de cette clarté dune blancheur éblouissante, une personne ayant l’attitude de la Vierge de la Médaille miraculeuse..

abbé guéroult – notes (1896-1900)

Sœur Saint Cleophas, une des Sœurs chargée de l’éducation des enfants à l’école libre de Tilly-sur-Seulles, nous décrit ainsi son témoignage :

La prière était à peine commencée que cinq ou six élèves de la première classe arrivent précipitamment et parlant ensemble. Je ne compris pas ce qu’elles me disaient ; je crus tout d’abord qu’un malheur était arrivé, je sortis donc, suivie de toutes mes élèves et j’allai directement dans la cour de récréation… Sitôt arrivée, je vois à 1200 mètres environ un nuage d’un rose pâle et la Sainte Vierge au milieu, rayonnante de clarté et dans l’attitude de l’Immaculée Conception. Elle est vêtue de blanc, un voile blanc recouvre sa tête et retombe gracieusement sur les épaules, une

ceinture dont la couleur tranche sur celle de la robe, est nouée par devant, et les pans retombent librement. Tout le temps que durera cette apparition, une heure un quart environ, les enfants ne se lassèrent pas de réciter le chapelet, elles qui d’ordinaire trouvent déjà long le temps de la prière.

rapport de Sœur st CLEOPHAS

Les trois enseignantes de l’École Libre et des élèves

L’abbé Guéroult note encore suivant les témoignages des enfants :

L’école libre de Tilly, située au sommet d’une colline, domine les habitations du bourg de manière que de la classe on ne voit plus même les toits des habitations. La vue s’étend alors sur la colline opposée et embrasse tout un horizon vers le sud est. La plaine est sans habitations et c’est dans cette plaine, à environ 1200 mètres de l’école que se produit ce tableau étrange.

Abbé Guéroult – Notes 1896-1900

L’abbé Guéroult précise encore dans ses brouillons d’articles :

L’endroit précis de l’apparition finit par être identifié. Il s’agit d’un champ appartenant à M. Ernest Lepetit «excellent chrétien qui se trouve être le principal fondateur de l’école. Depuis longtemps, il avait fait placarder dans ses terres pour ses nombreux ouvriers, cette défense qu’il ne fallait pas enfreindre :

ICI ON NE BLASPHÈME PAS

Abbé GUéROULT – Brouillons d’article – 1911

L’une des trois Soeurs de l’école libre, Soeur Saint Patrice, nous racontre au soir du 18 mars les suites de cette première apparition :

L’heure fixée par Monsieur le Doyen pour les confessions, raconte Sœur St Patrice, est arrivée, dépassée d’une demi-heure. Il faut, à mon grand regret, partir et quitter la vision bénie. On recommande aux enfants de se taire, on a pu se tromper, c’est peut-être une illusion…

Toutes promettent de garder le silence. Entrées à l’église, les enfants se préparent à leur confession comme jamais je ne les ai vues se préparer.

On sent qu’un souffle de surnaturel divin est passé sur leurs âmes et ce souffle de quelques instants a suffi pour les transformer en d’autres elles-mêmes. Moi-même je me sens toute transportée; il me semble déjà n’être plus sur la terre.

La confession terminée, nous allons prier à l’autel de la Vierge. Oh ! alors comme nos prières sont ferventes et comme elles montent suppliantes vers le trône de la Reine du Ciel.

notes de sœur Saint Patrice sur un cahier

L’abbé Guéroult notera un changement chez les enfants ce 18 mars, sans savoir tout d’abord son origine :

Tout en confessant à l’église les personnes qui se préparaient pour la sainte communion, s’étonnait du retard des enfants de l’école et se demandait quelle pouvait en être la raison.

Dès leur arrivée, il remarqua leur entrée silencieuse et digne à l’église, leur recueillement et enfin, quand il apprit la cause de leur retard, il avoua qu’il s’était fait la réflexion suivante en confessant toutes ces enfants :

— Elles ont mis longtemps à faire leur examen, mais c’est vraiment une consolation pour un prêtre de diriger des âmes si bien préparées

Abbé GUéROULT – Brouillons d’article – 1911

Les Sœurs et les enfants gardent le secret au début, mais assez vite, celui-ci se répand comme une trainée de poudre, et le Curé vient lui aussi par le savoir. L’abbé Guéroult se décida alors à interroger les religieuses pour discerner ce qu’il en était vraiment.

Après l’interrogatoire des religieuses, il est décidé de faire comme si rien de spécial ne s’était passer ce 18 mars, et d’interdire aux enfants de regarder par delà le mur en direction du lieu des apparitions, en se concentrant vers la montée de la fête de l’Annonciation le 25 mars.

Le 24 mars 1896, Sœur Saint Cleophas nous décrit l’apparition de ce jour :

A l’horizon, on voit le nuage rose et, au milieu, la céleste visiteuse toute éblouissante de clarté…

rapport de Sœur st CLEOPHAS

Le 25 mars 1896, jour de l’Annonciation, une des Sœurs nous décrit :

Le 25, jour de l’Annonciation, l’apparition se manifeste dès le commencement du chapelet. Ce fut alors un admirable élan de prière auquel la douce Mère semble répondre en joignant les mains, comme pour s’unir à nous. A ce moment, l’apparition devint si radieuse qu’une des fenêtres de l’école fut, un instant, resplendissante de cette mystérieuse lumière.

Rapport de Sœur Saint Patrice

Malgré la consigne de discrétion, le bouche à oreilles fait que des passants se rejoignent à côté de l’école libre pour observer les apparitions, et demander des grâces à la Sainte Vierge, et devant ces manifestations, l’abbé Guéroult décide d’informer l’évêque fin mars 1896, Monseigneur Hugonin, des évènements récents. Ce dernier lui répond que ” cette nouvelle était assez grave et qu’il fallait noter tout ce qui se passait “.

Le Père Lesserteur décrira en détails les apparitions dans son rapport au congrès marial de Fribourg en 1902 :

CR Congres Marial Fribourg 1902-compresséTélécharger

L’abbé Guéroult décrira pour sa part pour la période du 18 mars jusqu’au 26 juillet 1896 :

Jusqu’au 26 juillet, 26 apparitions, d’une durée habituelle d’une heure. Les enfants, à genoux, prient et chantent le Magnificat, le Salve, quelques cantiques choisis qui augmentent encore et toujours la lumière, la beauté, le radieux qui accompagnent toujours l’apparition.

Abbé Guéroult – Rapport II – 1911

Les apparitions se multiplient mais la Vierge reste silencieuse. L’abbé Guéroult nous rapporte :

Ni religieuses, ni enfants ne savent ce que demande l’apparition. Sœur St Patrice, la Supérieure, obéissant à une inspiration, demande à ses sœurs et à ses élèves de faire le sacrifice de leurs visions, suppliant à ce prix la Sainte Vierge pour savoir si c’est elle et quelle est sa volonté

abbé guéroult – Rapport II – 1908

La dernière apparition pour les Sœurs et les enfants de l’école a lieu le 26 juillet 1896, fête de Sainte Anne, mère de la Vierge Marie.

Cette date est particulière car c’était le jour même de l’affiliation entre Tilly et l’adoration du Sacré-Cœur de Montmartre :

Le jour de la fête de Sainte Anne, la réponse est donnée. Ce jour-là était désigné pour l’affiliation de Tilly, à Montmartre. Les âmes pieuses, les religieuses, leurs pensionnaires s’étaient préparées pour la sainte communion. En rentrant des Vêpres, les religieuses ainsi qu’une très pieuse dame furent, pendant plus d’une heure, en présence d’une superbe basilique. Le vœu de ne plus voir fut accepté ; aussi, jamais plus l’apparition ne reparut pour l’école…

abbé guéroult – Rapport II – 1908